En finale, Berasategui le Basque rencontrera Bruguera le Catalan
Vainqueur expéditif du Suédois Larsson en trois sets (6-3, 6-4, 6-1) le jeune Alberto Berasategui (vingt ans), au coup droit exceptionnel et novateur, tentera dimanche de battre son compatriote et tenant du titre Sergi Bruguera, tombeur de l’Américain Jim Courier (6-3, 5-7, 6-3, 6-3).
« OH, oui, je le connais bien, très bien… » L’espagnol Sergi Bruguera n’a pas franchement le sourire quand on lui parle de son compatriote et ami Alberto Berasategui, qui vient d’enfoncer les portes des demi-finales avec une aisance invraisemblable, et qu’il retrouvera dimanche en finale du tournoi. La nouvelle victime de la petite coqueluche basque, le Suédois Magnus Larsson, n’en revient toujours pas. « Je n’ai rien à dire, affirme-t-il, contre lui ça va trop vite. Je n’ai jamais vu un joueur imprimer un tel rythme et taper aussi fort son coup droit dans toutes les positions. C’est exceptionnel, vraiment exceptionnel. C’est le plus rapide coup droit de l’histoire. »
Laminé en trois sets (6-3, 6-4, 6-1) expédiés en 1 h 12’ (1), le grand Suédois a vécu un cauchemar à peu près identique à celui d’Ivanisevic au tour précédent. Le Croate avait d’ailleurs eu les mêmes mots éloquents : « Quand il tape dans la balle avec son coup droit, c’est impossible de jouer contre lui. Ça revient à une vitesse incroyable. »
Berasategui (actuel 24e) est peut-être l’inventeur que le tennis attendait pour changer d’ère : le premier tennisman du monde à développer sur un court le jeu des pongistes, capable de claquer et de fouetter les balles à l’horizontale avec une force inouïe, à la manière d’un Gatien ou d’un Saive. Pour parvenir à ses fins, lui qui ne paye pas de mine avec son mètre soixante et onze qui dénote tellement dans l’aréopage de grandes sauterelles du tennis mondial, l’homme utilise une prise de raquette de revers pour frapper son coup droit, brossant la balle avec la face interne de son cordage, celle qui regarde vers le sol, celle qui lui servait déjà sur son côté gauche. « La première fois que j’ai vu ça, explique son compagnon d’entraînement Bruguera, je me suis dis qu’il ne mettrait jamais une balle dans le court. Mais Alberto a toujours eu ce mouvement. Et, aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est devenu sa principale arme. »
De cette finale Bruguera/Berasategui de dimanche, personne n’ose vraiment pronostiquer quoi que ce soit. Hier, sur un central envahi par le vent, le tenant du titre a néanmoins prouvé qu’il restait bien, comme le dit son entraîneur de père, Luis Bruguera, « le meilleur joueur du monde sur terre battue », tantôt adepte du lift, tantôt frappeur fou, mais souvent patient dans l’échange, utilisant des changements d’effets redoutables. Face à l’Américain Jim Courier, toujours aussi puissant mais sans doute moins fin tacticien désormais que l’Espagnol, Sergi s’est contenté de « contrôler le match », comme il dit, « sans jamais douter » tout au long des quatre sets (6-3, 5-7, 6-3, 6-3). « On parle beaucoup du coup droit de Berasategui, mais il ne faudrait pas oublier celui de Bruguera », commente à ce propos Courier. « En fait, je crois qu’ils se ressemblent un peu, même si Bruguera fait moins claquer les balles puisqu’il a un mouvement qui part de plus loin derrière son dos. Mais ça va très vite aussi, d’autant qu’il arrive à donner du lift tout le temps. »
L’expérience risque, aussi, de compter. Sûr de lui sur cette terre qu’il maîtrise tant, Bruguera n’a jamais autant dominé son sujet à Paris. Et son intelligence tactique peut surprendre son jeune dauphin. Comment, en effet, se comportera Berasategui s’il se retrouve poussé loin de la ligne de fond de court sur des balles liftées et très arrondies, dans une situation stratégique ne lui permettant pas de rentrer dans la balle en avançant comme il le fait sur ses frappes de coup droit ? Pour de nombreux spécialistes, la clé du match réside dans cette énigme. Si, d’aventure, Bruguera ne parvient pas à envoyer son adversaire au plus près des bâches, on se demande comment il pourra contenir l’un des plus efficaces coups du tennis qu’on ait vus depuis longtemps.
(1) Il n’a passé que 8 h 12’ sur les courts depuis le début du tournoi, un record.